S’il y a bien un sujet sur lequel je pourrais encore m’étaler pendant des semaines, c’est celui du bilan psychomoteur🙈 De la passation à la restitution, en passant par la cotation et l’interprétation … c’est tout un art (et beaucoup de mots qui finissent par -tion 🙊).
L’une des principales difficultés dans cet exercice parfois périlleux, c’est justement celle de l’interprétation du bilan psychomoteur. Une fois toutes les épreuves réalisées et cotées, comment analyse-t-on toutes ces données ? Après avoir examiné séparemment les différentes fonctions psychomotrices, comment faire des croisements pour rendre compte de la dynamique psychomotrice du patient ?
C’est le sujet auquel on s’attaque dans cet article. Je te propose ma petite méthodologie pour organiser ta pensée réflexive pendant la phase d’interprétation d’un bilan psychomoteur.
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Et si vous préférez lire, voici le résumé :
1. Pointer les éléments significatifs avant d’entrer dans l’interprétation du bilan psychomoteur
Avant de foncer tête baissée dans les méandres de l’interpration de tes évaluations psychomotrices, il s’agit de garder la tête froide. N’essaye pas d’aller trop vite car tu risquerais de passer à côté de quelque chose ou de t’embourber dans tes biais cognitifs 😇
Prends le temps de pointer, une par une, les données significatives qui ressortent des observations et évaluations que tu as réalisées : les faiblesses et les résultats statiquement déficitaires, mais aussi les forces et les meilleures performances, ce qui t’as interpellé/étonné dans les interactions avec ton patient, les refus éventuels, certaines préférences, … Sans oublier ce qui ressort de l’entretien d’anamnèse! Bref, tout ce qui te paraît intéressant à ce stade pour dresser le portrait psychomoteur de ton patient.
📝 N’hésite pas à en faire une synthèse par écrit sous la forme d’une liste à puce. Cela permettra au lecteur pressé d’aller droit au but quand il prendra connaissance de ton compte-rendu.
2. Réaliser un max de croisements d’informations
👓 Regarde maintenant ta liste et essaye de croiser entres elles les différentes données que tu as relevées comme étant significatives.
Certains liens seront certainement flagrants pour toi, car tu as l’habitude et tu as bien en tête les modèles théoriques sous-jacents.
⚠️ Mais n’oublie pas les biais et interroge-toi également sur les liens qui peuvent exister entre des données que tu n’as pas forcément l’habitude de recouper entre elles. Cela apportera de la rigueur à ton interprétation du bilan psychomoteur.
Par exemple, c’est peut-être évident pour toi de mettre en lien un déficit de l’inhibition avec un trouble de la régulation émotionnelle. Mais si ton patient éprouve des difficultés d’organisation spatiale ou temporelle, ce serait également intéressant de questionner comment celles-ci peuvent impacter ses capacités d’inhibition et ses compétences émotionnelles ? Et vice-versa ? 🤔
3. Interroger la littérature scientifique
🤯 Après ce jus de cerveau, je t’invite à faire le tri en interrogeant la littérature scientifique. Heureusement, tu n’es certainement pas la seule personne à t’être posé ces questions. Peut-être même des chercheurs se sont-ils penchés sur le sujet pour fournir une réponse plus ou moins valide (cela dépendra du niveau de preuve des ressources que tu trouveras à ce sujet).
C’est une étape qui pourra te paraître superflue, énergivore ou difficile à mettre en place, c’est selon 😅 Mais crois-moi, tu gagneras en pertinence dans l’interprétation de tes bilans psychomoteurs. Cela te prendra sans doute du temps au début. Mais à chaque fois que tu interrogeras la littérature, tu emmagasineras des notions sur lesquelles t’appuyer par la suite pour interpréter tes données.
🪧 N’aie pas honte de te poser des questions dont tu n’as pas la réponse. Tu n’as pas tout appris sur les bancs de l’école. La recherche avance plus vite que les programmes de cours ne se modifient. C’est tout à fait normal et cela ne fait pas de toi quelqu’un d’incapable. Bien au contraire ☺️
4. Formuler des hypothèses de compréhension de la dynamique psychomotrice du patient
💪 Te voilà maintenant paré à formuler des hypothèses d’interprétation du fonctionnement psychomoteur de ton patient. C’est ce qu’on appelle parfois la dynamique psychomotrice : la manière dont une personne sollicite (ou non) ses compétences psychomotrices pour fonctionner au quotidien en fonction des contraintes environnementales et de son niveau de développement psychomoteur.
Reste humble : ce sont des hypothèses qui nécessiteront, par définition, d’être vérifiées 🤓 Tu peux en proposer une ou plusieurs selon ta lecture de la situation et sa complexité.
📍 C’est à cette étape qu’il te faudra faire des liens avec la demande à l’origine du bilan psychomoteur. Si la demande correspondait à une question, les hypothèses que tu proposes auront pour but d’apporter des éléments de réponse.
Par exemple, si les parents te demandent pourquoi leur enfant a-t-il tant de difficultés dans ses apprentissages scolaires ? À toi de proposer plusieurs pistes en fonction de ton interprétation du bilan psychomoteur : y a-t-il des difficultés attentionnelles, exécutives, praxiques, graphomotrices, sensorielles ?
5. Poser des objectifs de soin psychomoteur et les moyens d’y parvenir
🏆 Tadam, c’est le Grââl de l’interprétation du bilan psychomoteur que de répondre à ces 4 questions :
- Un suivi psychomoteur est-il indiqué ?
- Pourquoi faire ?
- Comment ?
- En combien de temps ?
Très facile à faire si tu es passé par les 4 étapes précédentes 😇 Mais ça coulera beaucoup moins de source si tu as voulu aller trop vite 😈
⚖️ C’est à cette étape que tu précises des objectifs de soin clairs et précis (SMART) à la prise en charge que tu proposes pour rééquilibrer, le cas échéant, le fonctionnement psychomoteur de ton patient. Tu peux également expliciter ce que tu as l’intention de mettre en oeuvre dans tes interventions pour aider ton patient à atteindre ces objectifs dans les temps impartis.
🪧 Si tu as fait ta revue de la littérature, tu auras sans doute déjà pu relever des suggestions à mettre en place. Mais ça, c’est une autre histoire.
En résumé
L’interprétation d’un bilan psychomoteur est cruciale pour le déploiement d’une prise en charge pertinente et efficace pour ton patient. Ça ne s’improvise pas. Au contraire, cette interprétation est le résultat d’un processus réflexif rigoureux en plusieurs étapes :
- Pointer les éléments significatifs sans même encore envisager de les interpréter ;
- Faire des croisements et des recoupements d’informations dans tous les sens, des plus évidents aux plus incongrus ;
- Interroger la littérature scientifique puisque, comme tu le sais, tu n’as pas la science infuse malgré tes 3 années d’études 😝
- Formuler des hypothèses à vérifier pour expliquer le fonctionnement psychomoteur de ton patient et les éventuels déséquilibres constatés ;
- Définir des objectifs de soin et des modalités d’interventions pour le suivi psychomoteur, si tu le proposes.